Pas étonnant, donc, que les participants du colloque s'expriment tous avec un accent très bavarois.
A midi, ils s'amusent à tester l'originalité de chaque dialecte : on s'aperçoit que les Munichois n'entravent rien au Fränkisch, que les originaires de Franconie sont hermétiques au Niederbayerisch et que deux personnes d'Oberpfalz ne s'avèrent pas toujours capables de communiquer entre elles.
Ces comparaisons dialectales m'amusent : en France, je ne connais pas un seul intellectuel qui s'enorgueillirait d'émailler son français de termes régionaux, au risque de n'être pas compris par son public parisien : les journaux ont tous souligné la pointe d'accent de Claude Bartolone, laissant entendre combien c'était devenu rare jusque dans la sphère politique. En Bavière, les pontes roulent les R, les professeurs d'université transforment les A en O et les étudiants les plus brillants répondent "basscho" au lieu du plus traditionnel "Passt schon"! (Qu'on traduirait dans nos contrées par un "ça va déjà !", voire par "ça va, Imhotep").
Depuis le début de l'année, j'ai déjà expliqué un nombre incalculable de fois que les jeunes Strasbourgeois ne parlent pas mieux l'allemand que les Parisiens. La faute au centralisme parisien.
Aujourd'hui encore, ça ne manque pas : air consterné de l'interlocuteur : "Mais, il n'y a pas de dialectes en France ?"
Réponse blasée : "Non, je parle un français absolument identique à celui d'un breton moyen ayant grandi 1000 kilomètres plus à l'Ouest."
Aujourd'hui, j'ai apparemment affaire à des élèves sérieux ayant eu des profs de français consciencieux : "Pourtant, il existe encore un accent provençal ! Même que c'est plus facile à comprendre pour un étranger car on sépare bien les mots !"
Je reconnais : certes, il existe un accent provençal particulier. Mais pas un dialecte.
C'est alors qu'on me répond finement : c'est pourtant bien sur le décalage entre gens du Sud et gens du Nord que repose le film "Bienvenue chez les Ch'tis", non ?
Dans ce cas il doit bien exister des différences frappantes ?
Je clos la discussion avec diplomatie : en France, les différences culturelles existent surtout dans les films, le centralisme parisien ayant gommé les particularismes régionaux ; mais que les Bavarois soient fiers, surtout, de leur originalité !
En fin d'après-midi, je réalise que deux de mes compagnons de l'aller ont trouvé un bon plan pour rentrer en s'invitant dans la voiture d'une jeune fille, tandis que notre chauffeur, rentrant chez ses parents dans le Nord, ne retournera à Munich que dimanche soir. Il propose toutefois de faire un crochet par la gare "la plus proche" (à un bon quart d'heure de route) pour m'y déposer.
J'accepte bien volontiers, le remercie chaleureusement.
Seulement voilà : la Bavière a des charmes insoupçonnées.
Nous nous retrouvons en pleine pampa : en lieu et place de la "gare", un distributeur automatique et deux quais qui se font face : monter sur le quai 1 pour prendre le train vers le Nord, sur le quai deux pour aller vers le Sud.
Et ne vous inquiétez pas : un train passe toutes les deux heures.
Il est 16:12. Prochain train à 17:36. Il commence à neiger. Sur le quai, un méchant abri contre le vent, composé de trois pauvres pans de plastiques.
Et là... le mot centralisme prend tout à coup une autre dimension : comment a-t-on pu imaginer organiser un séminaire pour doctorants dans un lieu totalement coupé du reste du monde, inaccessible en transports en commun ?!
Mon accompagnateur m'explique : il se trouve que Beilngries est situé pile au centre de la Bavière !
Voilà où réside l'incompréhension : les Allemands cherchant à organiser un colloque choisissent un centre géographique, variable à chaque occasion en fonction des publics concernés, quand la France a tranché une fois pour toute.
Rendons à S*c*h*n*u*p*p* ce qui appartient à S*c*h*n*u*p*p*, mon chauffeur : bien gentiment, il accepte d'attendre avec moi une grande partie du temps, et en profite pour me parler des relations diplomatiques de la Bavière au XVIIIème siècle et de ses souvenirs de ses cours de français :
- Est-ce vrai que le mouvement écologique est si virulent en France ? C'est ce qu'on a appris en cours de langue...
- Tu penses ! Un pays qui n'a jamais vraiment remis en question l'existence des centrales nucléaires !
- Je me disais aussi. Parce que je n'ai pas vu à Paris autant de poubelles que chez moi. Dans mon village, il y a par exemple trois poubelles pour le plastique (l'une pour les films transparents, l'autre pour les bouteilles translucides, la troisième pour les bouteilles opaques)...


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Et si mon train n'arrive jamais ?! Wer wäre da für mich?! |
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Na ja... le soleil finira bien par re-briller ! |
Phrase du jour :
"Die schwäbische Seele der Schwaben soll schwäbisch bleiben!"
Heureusement qu'il est arrivé, ce train ! J'ai froid aux pieds rien qu'en lisant et en voyant les photos du quai de la soi-disant gare.
RépondreSupprimerCa ressemble grosso modo à la plupart des gares TGV en France. Particulièrement à cette chère gare Futuroscope TGV sauf qu'il n'y a que 6 ou 7 trains par jours...
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