vendredi 12 octobre 2012

Munich, jour 8 : Trittin betritt die Bühne !

On aurait pu s'en douter : mon enthousiasme si hautement proclamé pour les réunions introductives allemandes a fini par prendre fin.
On nous promène aujourd'hui à travers le campus (à la fois gigantesque et situé tellement au centre que tous les bâtiments sont facilement accessibles à pieds), pour nous en montrer les endroits les plus remarquables : amphithéâtres, salle de séminaires, bibliothèques, Mensas, Studentenwerk.

"So ein bisschen Bildung zieht den ganzen Menschen." (Heinrich Heine)

















Cette visite en compagnie d'autres étudiants étrangers permet tout de même d'avoir quelques échanges intéressants : les exclamations des quelques étrangères auxquelles j'apprends que j'étudie à Paris (4 Chinoises, une Hongroise et une Américaine, toutes inscrites en Germanistik) m'amusent. Visiblement, elles ont du mal à comprendre pourquoi j'ai bien voulu quitter la "plus belle ville de monde" (dixit) et lui préférer Munich.

Une autre jeune fille s'adresse à moi en allemand, et s'étonne que je lui réponde en français. Toute à ses propres préoccupations, elle ne m'avait pas remarquée. L. et moi, en revanche, avions parié la veille qu'elle devait avoir été envoyée ici par un institut catho. Gagné ! Elle étudie bien à l'Institut Catholique de Paris. Etrange comme l'origine des étudiants français est parfois facilement identifiable : les autres pays ont-ils leurs "sciences po" ou universités catholiques, aux codes apparemment "uniformisants"?


Les petites annonces affichées dans l'un de ces bâtiments me font sourire.
Sur la plupart, des étudiants étrangers en recherche de logement crient leur détresse et en appellent à la bonne volonté des propriétaires. Apparemment, les logements à Munich sont réputés être chers. De fait, certains offrent une récompense de 500 € à qui leur fournira un renseignement utile, et se disent même prêts à débourser jusqu'à.... 500 € par mois ! (Les Parisiens apprécieront !)
D'autres annonces auraient certainement plu à certains de mes amis, heureux de servir la science contre rémunération : 

 


Je rentre en flânant. Munich est une ville surprenante, où le kitch côtoie le splendide, le mauvais goût l'esthétisme et les traditions la pointe de la modernité.
Exemples :

Compte-rendu suivra !



Je réfléchis déjà aux cadeaux de Noël ; si l'Aston Martin est hors de portée d'un étudiant sans traitement, restent toujours le caddy de golf, le stylo ou... le mignon Teddy Bear à 27 €.


Je visite également une magnifique librairie (ces photos n'ont certes pas grand intérêt, mais les instants passés dans ce type d'endroits illuminent mes journées !).


Je compte 7 livres de et/ou à propos de l'ancien chancelier Helmut Schmidt. Un doute me saisit : viendrait-il de passer l'arme à gauche ? Non. Mais de devenir une légende, oui.

Dans quelle autre contrée  accorderait-on  une telle confiance aux lecteurs, au point d'espérer que ceux-ci achètent effectivement les livres qu'ils ont déjà lus sur le canapé moelleux de la librairie... ?
En bonus : le livre que j'aurais voulu avoir écrit (... à propos de cadeau de Noël... ): un best-of de chiffres et de statistiques plus ou moins improbables/pertinents/révélateurs en rapport avec l'Allemagne.
Ici, des statistiques concernant la Fête de la Bière de Munich (nombre de coups que le maire de la ville a porté au premier tonneau de bière débouché pour l'occasion, nombre de paires de saucisses ou de tasses de thé vendues, de paires de béquilles perdues ou de litres de bière absorbés). Pour les plus curieux, le " " chant " " numéro 1 au hit des tubes de l'Oktoberfest est à écouter ici : Ein Prosit der Gemütlichkeit.

Les prénoms masculins en Allemagne : Succès de Maik exclusivement en DDR ; disparition des "Michael" avec la chute du mur, mais apparition de "Jonas" avec la réunification ; succès soudain du prénom "Patrick" en 1984 parallèlement au lancement de la série "Patrick Pacard" ;  fin de la popularité du prénom "Tom" après la  rupture de Cruise et Cruz en 2004...










Chez les filles :  premières "Celine" en 1998, l'année de Titanic et de "My heart will go on" ; succès de "Diana" une seule année : en 1981, année des fiançailles du Prince Charles ; enfin, premières Lara en 1996, année de Tom Raider.







































Mais ces photos ne sont que futilités à côté du vrai événement du jour : le meeting du grand Jürgen Trittin, homme politique allemand engagé dans le parti vert depuis plus de 30 ans.
L'histoire de ce parti me fascine : créé en 1980, entrant au Parlement en 1983, il s'est imposé dans l'histoire de la Bundesrepublik, jusqu'à devenir le 4 ème parti avec lequel il faut aujourd'hui compter. Crédité de 16 % d'intention de vote aux prochaines élections fédérales, ce pourrait bien être le parti qui couronnera le vainqueur en choisissant son partenaire de coalition favori.
Jürgen Trittin représentait autrefois l'aile la plus dure du parti, celle des "fondamentalistes" (die Fundis), opposés aux réalistes (die Realos). Mais depuis 1983, les Verts sont devenus bien plus "salonfähig": certes, Trittin ne porte pas de cravate ; reste qu'il est en costume, et s'exprime de manière posée, commentant avec clarté PowerPoint et graphiques.

Son discours porte sur la crise financière et la (future) politique économique européenne.
Il ne se pose certes pas en professeur d'économie, mais soutient tout de même des thèses courageuses:
* "Es geht den Deutschen nur gut, weil es den anderen nicht gut geht: Ich befürworte das Ende des Regulierungsdumpings, des Lohndupmping, und des Steuerdumpings."
* "Wir müssen nationale Souveränität abgeben, um demokratische Souveränität zu gewinnen."
* "Die Pleite von Lehman Brothers wäre ein Spaziergang gewesen, im Vergleich zu der Lage, die wir kennen könnten, wenn wir wieder zu nationalen Währungen zurückkämen."


 Certaines questions de la salle m'interpellent :
* "Comment pouvez-vous soutenir qu'il faudrait moraliser le capitalisme ? Démocratie et capitalisme sont simplement incompatibles : "Demokratie bedeutet "Volksherrschaft" und Kapitalismus nur "Profit" ".
* "Ne peut-on pas comparer la construction actuelle de l'Union Européenne avec l'unité allemande de 1871 ? Merkel ne se comporte-t-elle pas comme Bismarck, faisant croire que l'unité est une volonté de la population, quand celle-ci correspond à l'objectif politique des puissants? Eine Einheint "von oben", und nicht "von unten", also ?

Trittin reste plutôt calme : il a dû en voir d'autres.
Il s'emporte finalement tout de même un peu au moment de répondre à cette dernière question : "Sie wollen Frau Merkel mit dem preußischen Bismarck vergleichen? Das ist doch Geschichtsvergessenheit!"

Il conclut ainsi son intervention : "Europa ist (noch) nicht perfekt, aber gilt nur als ein institutionalisierter Kompromiss."


Plus intéressant que le discours de Trittin est en fait l'ambiance qui règne dans cette salle de brasserie.
La conférence était indiquée à 19h30, avec ouverture des portes dès 18h30. Je me croyais donc bien avisée de manger avant, et de me pointer vers 18h45 afin d'être sûre d'obtenir une place. D'une part, j'avais surestimé la popularité de Jürgen Trittin à Munich, me basant sur le récit du meeting de campagne de l'un des derniers candidats à la présidence française auquel a assisté mon petit frère : la salle était encore à moitié vide vers 19 heures ; d'autre part (et surtout), il eût été justement on ne peut plus judicieux de manger sur place : ce n'est pas pour rien que cela se passait dans une brasserie !
Qu'à cela ne tienne, je me rattrape :
Dampfnuddel mit Mohn-Vanillesauce mit einem... Radler.

C'est bien connu : les Verts, c'est plus qu'un parti, c'est une communauté. De fait, ici, tout le monde communie à travers la même boisson :


Les hommes...

... les femmes...



... et Jürgen Trittin lui-même !


Pour conclure, une mini-observation de type sociologique (trop vague pour être d'un vrai sociologue, cela va sans dire) : quel est donc le type du sympathisant vert à Munich ?
- il ne porte pas de costume traditionnel,
... mais pas non plus de cravate ;
- il peut appartenir au Rotary (véridique),
... mais aussi venir en couple ou avec une amie ;
- il applaudit quand Trittin accuse les banques de tous les maux,
... mais n'a pas du tout l'air d'un vrai révolutionnaire, ni même d'un arracheur d'OGM.






























Phrases du jour :
- München ist eine europäische Stadt. Und 38% der Bewohner des bayerischen Lands haben einen Migrationshintergrund.
- ...Considère-t-on les Allemands venant d'autres Länder comme des "Bewohner mit Migrationshintergrund" ?



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BONUS :
Collision amusante entre deux "philosophies de vie" :




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